LES DERNIERES NOUVELLES

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Marcel

 

 

 

C’

C’est malheureusement une triste nouvelle. Marcel Planchon nous a quittés un samedi du mois de juillet 2018. Au cours de ses obsèques, j’ai prononcé ces quelques mots :

Marcel,

Tu as débuté le vol à voile dans cette période d’après-guerre qui vit renaître les sports aériens en France. Épris de liberté, les pilotes de cette époque ont vécu des aventures fantastiques qu’ils se contaient le soir au bar. Histoires plus ou moins enjolivées. Mais tu as, pour ta part, peu raconté tes débuts. Pourtant tu as effectué un vol de 6 h 20 le 9 novembre 1947 sur un Castel 310 P, emprunté au club de Mantes. Tu pouvais t’enorgueillir d’avoir, avec ton ami Manier qui fit ce jour-là un vol de 5 h 54, réalisé les deux premières épreuves du tout nouveau brevet D, du club de Chérence. Tu ne racontais pas parce que, pour toi, ce qui comptait avant tout dans ton histoire à Chérence, c’était ta rencontre avec Jacqueline. Elle deviendra ta femme en 1954 et elle l’est encore après 64 ans de mariage.

Ensuite, tu quittes pour quelques années le monde du planeur parce que votre fils, Yves, arrive au sein de votre couple en 1955, mais aussi parce que, un peu plus tard, vous vous installez à Tours dans votre magasin de jouets qui sera, en moins d’une décennie, une des plus belles enseignes de notre ville. Tu te spécialises dans les trains miniatures et leurs réparations que tu effectues dans un atelier grand comme un placard !

Tout naturellement, Yves ayant grandi, tu retournes vers ce monde du planeur que ton fils va découvrir et pour lequel il va également se passionner. C’est à Angers que vous vous inscrivez, car notre département ne possède pas de club de vol en planeur. Durant les années 70-80, vous devenez des piliers de l’aéro-club de l’Ouest dirigé par René Hersant, le patron du club ancien et prestigieux créé par les frères Gasnier en 1908 !

Lorsque nous avons fondé l’association vol à voile Léonard de Vinci en 1987 avec notre regretté Michel Cochet, nous n’avions aucun prestige et aucune installation nous permettant de voler ! D’ailleurs, nous ne possédions ni avion-remorqueur ni planeurs. Courant 89, nous avons ouvert le terrain du Louroux : un champ vide dont la piste était mal balisée. Vous êtes venus tous les deux nous voir et c’est alors que nous avons fait connaissance. Nous vous avons dit nos espoirs de faire construire un hangar durant l’année 1990. Comme il fallait abriter le Mosquito, vous avez poursuivi vos aller-retour à Angers-Avrillé.

 

Dessin de Marcel Planchon réalisé alors qu’il était adhérent du club de Chérence

l’année 1990.

Mais en 1991, notre hangar est là. Vous vous inscrivez et devenez rapidement indispensables. Si Jacqueline s’impose à la planche et à la compta balbutiante qui seront, dès lors, parfaitement tenues, tu es, quant à toi, mon cher Marcel, de tous les bricolages nécessaires au développement de l’association : aide à l’installation du câble électrique, du fil téléphonique, tu fais de la plomberie, car l’eau courante nous arrive. Mais surtout, tu es l’un des artisans essentiels de la reconstruction de l’escadron à partir des deux baraquements que nous avions démontés sur la base aérienne, bien avant d’acquérir notre terrain. Nous les avions stockés chez un membre du club dont le père possédait de grands bâtiments libres. Il fallait pour mener à bien cette reconstruction, trier les fermes, les renforts métalliques, choisir les meilleurs, les implanter, couvrir en sélectionnant les plaques de fibrociment les moins abîmées, poser les cloisons, parfois en les retaillant ou en les adaptant. Tu as été couvreur, maçon, plâtrier, carreleur, peintre… Tu as mis au service de notre association, de ton club, tous tes talents manuels.

Car peu de personnes connaissent tes capacités manuelles cachées que l’on peut qualifier de talents de faussaire, mais sans la connotation de voyous d’un Chaudron ou des Beltracchi. Tu as un don d’observation formidable qui sans aucun doute t’a été utile en vol. Tu emploies ce don pour copier des tableaux de maître, essentiellement d’ailleurs, de maîtres flamands dont tu sais imiter à la perfection les clairs-obscurs et les demi-teintes, retrouvant sans beaucoup hésiter la palette de tes favoris Rembrandt, Vermeer… Admirer tes reproductions nous remet en mémoire l’émotion intense éprouvée au Rijksmuseum devant les originaux. Comme tu aimes faire plaisir, tu peins pour tes amis… en conservant cette modestie et cette discrétion qui te vont si bien.

Tu sais également dessiner. Tes dessins humoristiques de Chérence en sont la plus belle preuve.

Reproduction de l’astronome de Vermeer réalisé par Marcel et offert à Anne et Jean-Pierre

 

 

 

 

 

Tout aurait pu continuer ainsi : les vols sur le Mosquito, la peinture et les reproductions de tableaux, tes maquettes de train, les voyages autour du monde dans lesquels Jacqueline t’entraînait avec enthousiasme.

Mais il y eut ce drame affreux : voici une dizaine d’années, Yves succombait à un accident cardiaque sur le parvis de la Défense en quittant son travail. Un pompier présent au moment où il s’effondrait, un médecin de passage, puis le Samu ne pouvaient rien contre cette attaque massive qui vous laissait tous deux démunis et orphelins de votre fils. Vous perdiez votre enfant, nous, quant à nous, un ami venant, chaque année, partager quelques circuits au sein du club.

Malgré l’aide extraordinairement courageuse de Jacqueline, cette épreuve injuste a déposé en toi de très profondes empreintes. Rapidement, tu abandonnas le vol, mis en vente le Mosquito, et tu te retiras dans ta maison de Fondettes si délicatement aménagée par vous deux, environnée de ce jardin sculpté par vos quatre mains et que tu entretenais avec amour. Tu évitais même de revenir au terrain du Louroux. Mais comment ne pas le comprendre après avoir vécu une telle passion ?

Merci du fond du cœur pour tout ce que tu as fait pour le club Touraine Planeur. Merci à toi aussi Jacqueline pour ton aide et toutes ces années heureuses passées avec nous.

Vole en Paix, Marcel, sous les cumulus de l’au-delà. 

 

Jean-Pierre

 

Jacqueline

Quelques semaines plus tard, Jacqueline partait rejoindre Marcel. Depuis quelques mois, notre courageuse amie luttait contre la maladie. Je n’ai, à mon grand regret, pu assister à ses obsèques, étant moi-même dans une phase difficile. Mais si j’avais été présent, j’aurais, là encore, rappelé tout ce que le club doit à Jacqueline.
Ce fut tout d’abord la tenue des entrées sorties et du compte bancaire avec une scrupuleuse rigueur. J’ai le souvenir très précis de ce jour où tu vins me voir parce qu’il manquait 60 centimes de Francs dans la caisse. Tu ne comprenais pas où ils avaient bien pu disparaître. Tu avais compté et recompté tes additions et tes soustractions. Rien ! Le mystère restait entier. Tu en étais malade. Bousculé, comme toujours, et préoccupé par des dossiers qui me paraissaient infiniment plus importants, je sortais soixante centimes de ma poche et te les donnais. Mais il me fallut plusieurs minutes pour qu’enfin tu acceptes cet argent équilibrant tes comptes, allant presque jusqu’à me fâcher ! « Les comptes doivent être justes », ne cessais-tu de répéter.
Ce fut également la tenue des planches de vol. Évelyne, notre secrétaire, me disait craindre les jours où tu ne viendrais pas. La planche était alors un affreux cafouillage bien délicat à interpréter. C’est avec joie que notre secrétaire retrouvait ton écriture régulière, agréable à lire, listant avec méthode et une nouvelle fois rigueur, les décollages et atterrissages.
Parfois, d’indélicats stagiaires en pleine adolescence te moquaient. C’était ignoré tout ce que tu étais pour le club et tout le respect qu’ils te devaient. J’ai souvent expliqué ton rôle essentiel dans les mécanismes complexes du club. Plus d’un s’en est voulu de t’avoir charriée comme savent le faire les collégiens.
Un jour, tu m’avais confié avoir pris tes dispositions pour que le club soit encore aidé après ta disparition. J’espère que tu ne l’as pas fait, car je pense que tes petits-enfants ont davantage besoin de toi que notre club, aussi cher soit-il à mes yeux.
Jacqueline, je te dis merci du fond du cœur, car tu as toujours été présente pour aider au fonctionnement du club.

Soyez en Paix, tous les deux, là où vous vous êtes retrouvés.

 

 

Yann

Et puis Yann, lui aussi, s’en est allé aussi, laissant notre atelier orphelin. De plus, de la manière la plus stupide qui soit. J’avais bien remarqué lors des multiples réunions que nous avons faites ensemble que Yann aimait se balancer sur les chaises. Ce jour-là, chez lui, la chaise a basculé en arrière. Yann est tombé lourdement sur un radiateur qui lui brisait la nuque. Horreur de l’instant durant lequel un homme perd toute chance de survie. Quarante-huit heures plus tard, tout était fini.

Yann, au club, c’était le patron de la paperasse administrative des engins volants. Et nul n’avait le droit de toucher à ses papiers ! Contrairement à son bureau en parfait désordre, les classeurs de chaque machine étaient parfaitement ordonnés et son extraordinaire mémoire lui permettait de retrouver n’importe quel document, n’importe quelle référence en un temps record.

La législation, les réglementations étaient son péché mignon. Il connaissait parfaitement les textes et ne supportait pas que quelqu’un puisse le contredire. Un de ses « professeurs » lorsqu’il voulut devenir inspecteur G-NAV, doit s’en souvenir encore. Yann lui tint tête lorsque le prof présenta un article de la réglementation. L’instructeur voulut balayer l’objection d’un revers de la main. Mais Yann, en parfait pitbull, ne lâcha prise que lorsque le prof voulut bien vérifier ce qu’il affirmait. Et Yann avait raison ! Le maître dut s’incliner devant l’élève !

Yann, souvent bougon, tenait à me rendre compte des décisions qu’il prenait concernant le matériel volant du club. Mais après quelques minutes d’entretien, nous discutions aimablement et j’entérinais toujours ce qu’il souhaitait faire, car j’avais une absolue confiance en lui. Bordélique en certains domaines, Yann était d’une extrême rigueur dès que les choses touchaient aux planeurs ou aux avions du club.

Yann était aussi un ami pilote. Il volait de façon solitaire préférant musarder sur la campagne, probablement en rêvant. C’est probablement ce dilettantisme qui lui fit faire de nombreuses vaches qu’il décomptait méthodiquement. Certaines avaient été très chaudes…

Rejoins le paradis des pilotes, mon cher Yann, et poursuit tes rêves…

Là encore, comment ne pas répéter : merci, merci, merci…