Le drainage de la piste

C’est en début 2019 que je commence le récit de cette histoire pénible. Pénible car tout a foiré. Pénible car elle met en cause la rigueur et la probité de certains de nos interlocuteurs. Pénible car nous n’avons pas pu ou pas su nous dépêtrer des filets nauséabonds dans lesquels nous étions emprisonnés sans avoir à renoncer à mettre à jour les magouilles et combines de certains de nos interlocuteurs.

L'entrée du club sous les eaux
La route de la Raudière et l’entrée de l’aérodrome le 13 février 2014 à 9 heures du matin

Revenons au départ de l’affaire.

La prise de vue a été faite le 13 février 2014. Voici ce qui peut arriver, rarement à cette extrémité, mais ça arrive, à notre aérodrome. Quel peut-être l’état de la piste, à votre avis, lorsque les pluies sont capables de transformer les routes en rivières, alors qu’elles sont bordées d’immenses fossés bien visibles sur notre image ? En combien de temps sera-t-elle capable de sécher ? Quand pourrons-nous reprendre les vols ?

La gestion de quelle qu’aventure que ce soit doit, à mon sens, comprendre un volet long terme. C’est pourquoi, dès mon retour aux affaires en 1998, j’ai incité les conseils d’administration à réfléchir au drainage de la piste afin qu’elle souffre moins lors des séquences de pluie intense et surtout qu’elle puisse sécher rapidement.

La situation

Au début des années 2000, certaines saisons sont franchement altérées par des pluies qui inondent la piste et nous interdisent de voler. De plus, notre souci étant le chiffre d’affaires, notre avant-saison est souvent triste, la piste étant rendue inutilisable par les pluies. Il en va de même pour l’arrière-saison.
Nous envisageons un drainage de la piste. Les agriculteurs du secteur, dont Antoine qui nous a vendu les terrains pour bâtir notre aérodrome, ont souvent fait drainer leurs champs du secteur afin de pouvoir y travailler en toutes saisons ou presque. C’est donc une chose facile à réaliser, chose qui est, semble-t-il, très efficace.
En 2005-2006, nous construisons le hangar nord. Son inauguration qui a lieu le 2 juin 2006 clôt cette tranche de travaux. Nous nous attelons donc rapidement à la recherche d’aides nous permettant d’envisager ces travaux de drainage.
À tout hasard, je prépare un prédossier de demandes d’aides et je mets à jour le dossier du projet de notre club, dossier que j’utilise à chaque demande de subventions.

Traces de l'atterrissage d'un DR 400 par temps de pluie
Traces de l’atterrissage d’un DR 400 par temps de pluie

En fin d’année, je reçois un appel téléphonique de ma correspondante du Pays. Stéphanie qui depuis la fin des années 90 et le début des années 2000, nous a toujours aidés avec constance et confiance, sait notre projet de drainage. Elle m’annonce que dans le cadre du développement économique de notre groupement de communautés de communes, voulu par l’Europe, certains dossiers ne sont pas prêts. Si nous pouvons présenter quelque chose de bien ficelé pour le début d’ann,ée, alors nous devrions pouvoir reprendre notre marche en avant.
Nous nous activons et répondons à l’urgence. Le dossier est présenté aux élus et est retenu, différents intervenants comme l’Europe, l’état, la Région, le Conseil Général doivent mettre la main à la poche. Bien entendu, nous aussi. Nous réglons tout cela en un tour de main (mais avec pas mal de travail et de réunions à la clé) et nous présentons notre dossier aux élus qui le valident.
Voilà donc une première partie du boulot effectuée !

Une décision lourde de conséquences

Toutes les subventions demandées sont accordées grâce aux conseils donnés par Stéphanie et nos autres interlocuteurs comme Carole et Yves du Conseil Général. Nous sommes merveilleusement guidés. Mais le gros problème est de savoir quand les subventions vont tomber. Bien entendu, nous pouvons obtenir un prêt relais de la banque mais les intérêts peuvent monter vite et nous sommes déjà « à la corde » dans cette opération.

Nous avons aussi le choix d’abandonner nos subventions à une collectivité territoriale mais alors nous perdons notre autonomie, la désignation des intervenants étant effectuée par la collectivité.

J’hésite énormément et le conseil également. J’ai en effet pris des contacts avec une entreprise qui réalise des drainages de grande qualité : golf de Saint-Tropez, hippodrome de Maisons-Laffitte… les références sont nombreuses et le travail remarquable et donne toute satisfaction. Mais si nous devons attendre les aides durant un an, voire deux alors la situation financière du club sera intenable. Nous optons pour travailler avec la Communauté de Communes dont nous connaissons bien le Président.

Nous sommes convoqués à l’ouverture des enveloppes afin de choisir l’entreprise qui réalisera les travaux ainsi que le cabinet d’études chargé du suivi du chantier. Le vice-président et moi-même sommes pris d’un furieux doute. Trois soumissionnaires sont retenus. L’un est nettement plus cher que les autres et est donc éliminé. Le second, originaire de Loire-Atlantique est plutôt moins cher que son collègue de Blois. Mais la comcom ne le connait pas alors que le dernier entrepreneur travaille habituellement pour cette collectivité.

Je ne sais pas pourquoi mais les dés nous paraissent pipés.

Sans surprise, l’entreprise qui enlève les marchés de la Comcom est choisie. Le cabinet, lui aussi est un habitué. -« C’est bien, nous les connaissons très bien, ils sont compétents« , affirme le Président.

S’il le dit !

Le plan de drainage, tout beau sur le papier mais qui doit être réalisé au millimètre prés sur ce terrain à très faible pente

Les travaux

Les drains qui doivent respecter une pente à quelques millimètres près sont posés à la main , l’équipement laser de la vieille draineuse étant déconnecté !!!

Dès le début, les travaux démarrent mal. Alors que la terre doit être le moins « bougée » possible, l’entreprise décape la terre arable au bulldozer et en fait des tas qu’elle met de côté. Les paysans du secteur rigolent, eux qui connaissent bien « leurs » terres. Mais aucun d’entre eux ne vient nous mettre en garde. Sauf Antoine qui s’étonne…

Après cette mise « en route » du chantier, l’entrepreneur conduit sur le terrain la draineuse qui va poser les drains. Il nous avait annoncé un engin piloté par laser, déposant les tuyaux avec une précision millimétrique. Je l’apprendrais plus tard, après avoir mené enquête, la draineuse sort d’un loueur d’engins de travaux publics qui n’avait pas loué cette machine depuis plusieurs années ! D’ailleurs, des mécanismes sont grippés et l’engin ne fonctionne que partiellement. Quant à la fonction laser… personne sur le chantier ne sait s’en servir car le modèle est obsolète. Bien entendu, il n’est même pas couplé à un quelconque GPS…

Aussi pour ne pas se compliquer la vie, les employés suivent la draineuse et posent les tuyaux à la main. la trancheuse étant réglée à l’œil du conducteur !

Un jour non loin du hangar sud, je découvre un drain manifestement posé à l’envers. L’eau va devoir remonter la pente pour s’évacuer ! Je m’en ouvre au responsable du chantier lors d’une de ses visites. « Mais, non, cher ami, ce drain est bien posé, croyez-moi, c’est mon métier, j’ai l’œil. » Je demande à un membre du club d’aller chercher un arrosoir. Nous le vidons dans le drain. Il est bien à l’envers. Sans se démonter le responsable me dit : j’aurais pas cru ! »

Des clowns !

le trio, président de la Comcom, bureau d’études et entreprise de « jardinage », qui s’est chargé du drainage de la piste n’est composé que de clown qui ont couté très cher au club Touraine Planeur !

Le triste constat

Le constat est terrible. Lorsque les engins de chantier nous rendent la piste celle-ci est bosselée très régulièrement tous les dix mètres. De ce fait les décollages et atterrissages deviennent très sportifs et des jeunes se laissent piéger par des redécollages intempestifs après l’arrondi. Le planeur se retrouve alors à trois quatre mètres du sol, sans vitesse et donc peu manœuvrant. S’en suit quelques décrochages brutaux. Nous cassons du matériel.

Notre Piwi 6 sera cassé par un jeune pilote lors d’un atterrissage mouvementé du uniquement à l’état de la piste.

Mais le trio, Comcom, bureau d’études et entreprise n’en ont strictement rien à battre. Comment expliquer à des non-pilotes les techniques d’atterrissages ? Comment leur prouver que seule la piste est en cause. Nous avons beau leur montrer un film d’un accident, le trio persiste et signe, le pilote n’était peur-petre pas compétent.

Ces gens nous agacent au plus haut point ! Il nous faut trouver  un médiateur.

 

Les discussions

Pour pouvoir négocier avec le cabinet d’études et l’entreprise, nous demandons la médiation du sous-préfet de Loches. Celui-ci accepte après que nous lui ayons présenté nos difficultés. Il s’agit d’un homme mesuré, tempéré qui mène la réunion avec autorité.

Un joli départ de compétition

A sa demande, je détaille un calcul que j’ai effectué avec certains membres du conseil d’administration. Nous additionnons les coûts salariaux, deux braves bonhommes payés au SMIC, les coûts de location d’engins de chantier, les coûts de déplacements, mais également le prix des fournitures comme le sable, les cailloux et autres ingrédients. Je rappelle que l’ensemble des tuyaux a été fourni par un fabriquant au prix de gros moins 30%, tout cela après une très belle négociation menée par Eric, l’un de nos membres éminents. Nous en profitons pour confirmer combien ce rabais sur les fournitures de drainage n’a pas profité au club sans que nous sachions à qui cela a bénéficié. Notre addition est inférieure à 50 000 € pour des travaux payés près de 400 000 € ! Et j’ajoute à l’intention du sous-préfet : « Il est très possible que nos calculs soient erronés. Mais si nous nous sommes trompés du simple au double, voire au triple, il ne reste pas moins que les travaux ont été réglés près de 400 000 € ! »

Le moins que l’on puisse dire, c’est que la situation n’est pas très claire ! Plusieurs éléments nous intriguent : 1- pourquoi une société de placements financiers se situe-t-elle dans les mêmes locaux que ceux de l’entreprise de jardinage de Blois qui a « réalisé » le drainage ? Cette société financière est dirigée par les mêmes bonshommes que la société de jardinage ! L’entreprise a-t-elle tant d’argent à placer qu’elle a créée cette société pour elle seule ? A moins que ne soit places là des subsides qui changeront de poches le moment venu. 2- Un vice-président de la Comcom me dit un jour : « ça suffit, il faut que je vous explique tout ce qui se passe dans cette Comcom; » puis il se ravise et m’affirme : « non, je ne peux pas, je ne peux pas faire ça. » 3- Un jour que nous passons en voiture devant la zone artisanale de la commune dont le président de la Comcom est le maire, deux administratifs, l’un du Conseil général, l’autre du pays, s’expriment librement devant moi : « quand je pense au prix de cette zone artisanale pour un résultat nul, j’en suis malade ». « C’est une honte ! Mais où est donc passé cet argent et à quoi a-t-il servi ? » Ne parliez-vous pas chers amis d’un peu plus d’un million d’euros pour créer un tourne à gauche sur la route nationale puis viabiliser une douzaine de terrains ? 4- Entreprise et cabinet d’études vont se saborder l’un après l’autre pour ne pas avoir à répondre du mauvais travail fourni. Peut-être également pour d’autres raisons bien spécifiques.

Une enquête sur le coût des travaux de l’aérodrome sera diligentée. je serais entendu par une brigade financière de la gendarmerie dans les locaux de Loches pendant plus de quatre heures et ce, à la demande du procureur de la République. Audition de plus de quatre heures durant laquelle je détaille mes indices, mes doutes, mes petites déductions.

Mais rien ne se passera. Pourquoi ne pas enquêter sur la société financière liée à l’entreprise de jardinage ? L’esprit de corps aurait-il joué ?

 L’association Anticor alertée ne me guide pas empêtrée qu’elle est à l’époque dans des problèmes internes délicats.

Je rage à rester impuissant et à voir qu’aucune enquête ne sera diligentée. Sans doute parce que les sommes en jeu sont relativement faibles.

La rupture et le procès